La nouvelle exposition du musée Maillol met à l’honneur Alberto Giacometti “Entre tradition et avant-garde”. L’exposition est réalisée en collaboration avec la Fondation Giacometti du 14 septembre au 20 janvier 2019.
Aller voir une exposition d’un géant de l’art du XXe siècle comme Giacometti c’est comme de rendre visite à un vieil ami chez qui on ne s’est pas rendu depuis longtemps. Bien sûr on l’a croisé ici et là mais toujours avec d’autres et de manière fugace. Aussi on craint d’avoir changé et d’abîmer une relation qui fut importante, fondatrice.
La question se pose également pour les artistes et leurs œuvres ; comment garder le contact véritable avec une œuvre vue partout, qui est forcément galvaudée par l’image que l’on communique d’elle ?
La réponse se trouve certainement dans le fait que notre culture personnelle est fait d’un maillage plus ou moins dense de connexions entre des œuvres, des artistes, des idées, des lieux, des livres, des souvenirs. Quand l’œuvre d’un artiste se déconnecte au fil du temps de notre maillage principal, ou du moins se place progressivement à la périphérie de celui-ci, nous sommes moins en capacité de nous y intéresser.
Je me rappelle d’une émission radio entendue sur France Culture, alors que j’avais une quinzaine d’années peut-être, consacrée à la vie de Giacometti. Je me rappelle de cette longue émission que j’avais écoutée tout en dessinant moi-même dans ma chambre un après-midi d’été, m’imaginant parfaitement l’état d’esprit de cet enfant d’un village de montagne, Stampa, dans le sud de la Suisse. Cet obsession de sculpter et de dessiner, encouragé par un père peintre lui-même, cette liberté immense qu’il avait déjà, son frère à ses côtés déjà fidèle. Rien ne semble contraindre Alberto de son dessein.
La trajectoire de Giacometti est cette ligne tendue qui part de la Suisse jusqu’à son petit atelier à Montparnasse. Il a suivi cette ligne en dépit des aléas de l’époque, forcément touché par les avant gardes (il est à Paris) mais au fond peu engagé dans des luttes qui l’éloignaient de sa ligne de vie.Les témoignages d’amis et modèles vont dans ce sens. Il ne se laissait pas distraire facilement.
L’exposition du musée Maillol s’attache à montrer les œuvres sous influence d’avant-guerre, elle met aussi en lumière les relations entretenues avec différents artistes à chacune des étapes de l’évolution du style de Giacometti notamment après 1925 avec les sculpteurs Zadkine, Lipchitz et Csaky.
Des comparaisons formelles sont faites avec Rodin et surtout… Maillol. Pas sûr que ces rencontres apportent beaucoup aux œuvres ainsi confrontées. Mais on peut comprendre l’excitation d’un commissaire d’exposition à mettre dans une même pièce l’Homme qui marche et le Saint Jean-Baptiste du musée Rodin.
Les salles du 1er étage, plutôt petites, permettent de montrer des œuvres de petits formats, difficiles à exposer. Ainsi cette tête minuscule représentant Simone de Beauvoir…
Au rez-de-chaussée l’espace plus vaste permet de placer des œuvres nécessitant espace et volume. On peut néanmoins regretter une scénographie assez glaciale, qui tient le visiteur à distance. Les photos d’ateliers agrandies sur certains murs apportent un peu d’humanité, tout comme les extraits d’interviews vidéos où l’on voit un Giacometti cordial, la clope au coin de la bouche, dans le bazar de son atelier expliquant son travail avec simplicité et bonhomie.
Le fameux atelier parisien de Giacometti est également évoqué par un ensemble de lithographies de l’artiste et des photographies. Celles de Sabine Weiss sont superbes.