Exposition « Guernica » au musée Picasso de Paris
Exposition « Guernica » au musée Picasso de Paris
Exposition « Guernica » au musée Picasso de Paris
Exposition « Guernica » au musée Picasso de Paris
Exposition « Guernica » au musée Picasso de Paris

Une exposition entière basée sur un seul tableau, de surcroît absent ? C’est le défi de « Guernica » la nouvelle exposition au musée Picasso de Paris.

Comment faire une exposition autour d’une œuvre aussi célèbre ? « Chef d’œuvre », « icône », symbole anti-franquiste et pacifiste, Guernica dépasse le statut d’œuvre d’art et son rayonnement est immense.

En tout cas, il n’était pas question de déplacer l’immense toile de sa salle du musée Reina Sofia de Madrid, où elle se trouve installée depuis 1992 (après son retour en grande pompe en Espagne en 1981). Après de nombreux voyages (dont celui aux États-Unis où elle resta 40 ans en attendant le retour de la république en Espagne, selon les volontés mêmes de Picasso), elle est aujourd’hui considérée comme trop fragile pour être déplacée.
C’est donc autour de la création de l’œuvre, du contexte politique, artistique, que tourne l’exposition. Il s’agit ici de retracer l’histoire passionnante du tableau et notamment de sa genèse à travers les esquisses et tableaux qui ont précédé la création elle-même.

Après être passé devant une reproduction de l’œuvre à l’échelle 1, la première salle explique les différents éléments du tableau décomposé à travers des textes de critiques ou d’écrivains. La nature symbolique de l’œuvre s’y prête bien et permet une introduction pédagogique mais non dénuée d’intérêt.

Les salles suivantes nous plongent dans les années 30 à travers affiches, tracts, lettres qui précisent le contexte historique de l’époque et plus particulièrement la guerre d’Espagne (1936-1939). Cette guerre finalement perdue par les républicains contre Franco.
Picasso avait reçu commande de l’Espagne d’une peinture pour le pavillon de la Seconde République espagnole à l’Exposition Universelle de Paris en 1937. On sait que Picasso n’aime pas les commandes, mais il accepte. Il ne se presse pas et envisage alors un tableau sur le peintre et son modèle à l’atelier.
Mais le 26 avril 1937, la petite ville basque de Guernica est bombardée par des avions de chasse allemands. La stupeur est immense, c’est le premier bombardement civil de masse de l’histoire. Ce choc partagé par Picasso sera le déclencheur pour une œuvre à venir. Il commence très vite une série d’esquisses (40 au total dont 10 sont présentes à l’exposition). Le gigantesque tableau de 3,49 mètres par 7,77 fut exécuté dans l’urgence entre le 1er mai et le 4 juin 1937.

Dans une salle, un diaporama de photos prisent par Dora Marr, témoin privilégié de la création de l’œuvre, permet de visualiser étape par étape l’évolution de la peinture.
La taille de celle-ci et les délais très serrés expliquent sans doute l’économie de moyens privilégiée par Picasso. On peut aussi supposer que le choix du noir et blanc, dramatisant la scène, lui est venu des photos vues dans les journaux, par lesquels il apprend la nouvelle.
Autre élément important, pour une fois Picasso souhaite que son œuvre soit compréhensible par tous, cette lisibilité va l’inciter à utiliser les tirages de Dora Maar des différentes phases du tableau afin d’en travailler l’équilibre entre les blancs et les noirs.
Ainsi, malgré des esquisses nombreuses, la peinture fait l’objet de plusieurs repentirs importants, des témoins ont d’ailleurs racontés que Picasso avait beaucoup douté pour finir son tableau.

Une salle s’attache aux sources et influences iconographiques de Guernica : les fresques de l’art médiéval, les gravures Les désastres de la guerre de Goya, les illustrations de l’Apocalypse de St Sever (XIe siècle) ou bien encore le massacre des innocents par Rubens, Poussin ou encore Guido Reni. L’exposition relie également Guernica à l’œuvre même de Picasso et ses motifs récurrents : la tauromachie, les minotaures, la figure de la porteuse de lumière, la crucifixion…

L’exposition s’attache également à la série des “Femmes qui pleurent”, visible dans la partie gauche de Guernica. Inspirées par la figure de Dora Maar, cette série, qui va de juin à décembre 1937, est dure, impitoyable, elle entre en résonance avec Guernica, prolongeant ainsi le climat funeste de l’époque.

Lorsqu’en 1939, l’Espagne devient finalement Franquiste, des centaines d’espagnols vont venir se réfugier en France. Comme plus tard à la fin de la seconde guerre mondiale, Picasso est sur-sollicité : parrainages, dons, hommages… Il devient alors la figure de proue de la résistance au franquisme. C’est finalement à ce moment que Guernica entre dans l’Histoire.
Car toute historique qu’elle soit, l’exposition passe sous silence l’accueil très mauvais de l’œuvre quand elle fut exposée à l’Exposition Universelle. Jugée « anti-sociale, ridicule, et tout à fait inadéquate à la saine mentalité du prolétariat » par les dirigeants espagnols, elle faillit être décrochée. Aragon fit état de sa réserve et le futur grand critique américain Clément Greenberg la décrivit comme « une scène de bataille[…] passée sous un rouleau compresseur en mauvais état ».

Une autre facette de l’exposition est la présence d’œuvres d’artistes contemporains tournant autour de Guernica. Le choix de les disséminer dans l’exposition elle-même et non pas à part est judicieux car elles participent à redonner une présence picturale à l’exposition qui pourrait devenir trop historique.

 

Le site du musée national Picasso-Paris : www.museepicassoparis.fr